East Side _ L'un des quatre côtés dans l'Underground. C'est pas le quartier le plus bruyant, mais étrangement, c'est ici qu'on y fait pas mal de petits boulots craignos qui payent bien. Paradoxe à lui tout seul, c'est aussi ici qu'est implantée une usine désaffectée servant d'arène de combat dans laquelle le pognon tombe aussi bien qu'une paye de Bourgie si tant est qu'on arrive à tenir encore debout. Le business de la Factory brasse des kilos d'oseilles tous les soirs entre un différent panel de combattants aux motivations variées, aux coachs venus gagner de quoi se remplir les poches sur le dos de leur poulain, et aux parieurs compulsifs, y a de quoi générer un max de bruit et pourtant non, East Side est toujours aussi calme la nuit. Une affaire pareille doit obligatoirement fonctionner en journée, le bruit matinal ne vient pas de nulle part.

On se demande pourquoi y a des tas de paumards qui misent sur un type comme moi, limité dans les extensions cybernétiques. J'ai la réputation de faire plaisir aux foules sans avoir opté pour la chirurgie et mon coach n'a plus besoin de savoir comment me motiver. Quand les crédits affluent, je suis toujours prêt à me battre à l'arena et tant qu'il y a encore des gars anti-cyber-implants, prêts à croire en des mecs comme moi, qui couchent leur fric encore et encore pour glorifier leur cause, alors je continue. J'ai foutu quand même un sacré paquet de gars au sol et je me suis proportionnellement prise de bonnes grosses tartes moi aussi, j'y ai pas encore laissé les crocs mais ça ne devrait plus tarder.

Mes affaires ont dépassé le stade de l'amateurisme pour la grande échelle et comme le système fonctionne dans un classement par round, je me vois gratifier d'adversaires toujours plus fort à mesure que la soirée avance. C'est vicieux leur truc car j'ai encore moins d'énergie à mesure que les challengers s'alignent face à moi ; faut que j'économise mes forces à chaque fois sans savoir comment doser mon énergie. J'ai tout juste le temps de prendre un peu à boire et de resserrer les bandages sur mes mains que j'entends un déplacement métallique derrière mon dos.

Ce soir, mon adversaire c'est pas n'importe qui ; Protector Colonialis Alpha Veii alias Vex. Un mec qui déambule dans l'Underground comme il en existe des tas d'autres. Je dis ça comme si ça avait l'air d'être rien mais c'est quand même un putain d'androïde qui a un siècle d'expérience et je suis monté assez haut pour me mesurer face à lui. C'est une grosse affluence ici, et qui dit grosse pointure, dit grosse récompense. Enfin, encore faut-il que j'arrive à me le faire et je ne suis pas du genre à me faire des illusions quant à notre écart flagrant de puissance.

Les foules bien protégées se déchaînent à son arrivée. Ils veulent du spectacle et je n'ai franchement pas envie de jouer les clowns de service. Je leur donne du plaisir en me battant avec mes poings, pas en gueulant contre mes adversaires. Formation militaire, je répartis mon poids sur mes deux cuisses et mets mes bras en garde pendant que je lance rapidement, ma voix se haussant pour vaincre celle du vacarme environnant.

« Alors, Vex, t'es prêt mon pote ? »

Je me demande à quoi faut s'attendre avec lui et même si je plaisante un peu, j'en oublie pas moins de surveiller mes arrières. Le tarif est attractif si j'arrive à renverser ce poids lourd et mes ressources vont devoir s'étendre bien plus qu'à la force brute pour l'emporter. Ce tas de ferraille augmenté est un véritable monstre, il ne me fera pas de cadeaux alors je ne dois pas le prendre à la légère. Qu'on soit des amis ou des ennemis, dans l'arène, on nous offre une chance, à tous, d'être à égalité, moralement en tout cas.

J'essaye de ne pas paraître surpris parce que j'aurai vraiment dû m'y attendre.
Mais putain, Vex, merde quoi.

En quittant la Factory en cette belle soirée, pour rejoindre l’ancien emplacement de cette dernière, Vex poussa un soupir de frustration. Il n’avait jamais imaginé en venant se terrer dans l’Underground, que les premiers qu’il aurait à convaincre du bienfondé de sa cause seraient les androïdes eux-mêmes. Après tout c’étaient eux, les premiers bénéficiaires de son combat, c’étaient aussi pour eux qu’il tentait de faire reconnaître aux sacs de viande que les androïdes méritaient tout autant de droits que les organiques. Mais il fallait croire que l’apathie et la timidité, voir la peur, étaient bien trop ancrée dans ces boites de conserve qui n’avaient pourtant pas grand-chose à perdre ; au final, se disait Vex, c’était peut-être là l’une des plus grandes preuves de ressemblance entre l’humanité et les machines créées à leur image. Alors combattre l’aiderait sans doute à se changer les idées et puis se faire des crédits ça aide toujours à être d’humeur bien plus sereine.

Il entra dans l’Arena en saluant ceux qui s’occupaient de la sécurité avec l’aisance et l’assurance de l’habitué et si le fait qu’il double tout le monde dans la queue qui s’étirait devant l’ancienne usine en agaçait certains personne ne fit rien, ne dit rien ; du moins rien de vraiment audible, ou d’assez fort pour forcer une réaction de la part de Vex. Ce dernier s’éloigna de l’arène en elle-même pour aller vers le bar. C’était là, au cœur d’une orgie de sons et de lumières qui ne faisait qu’exciter l’agressivité de chacun, qu’étaient affichés les combats qui allaient avoir lieu. Au centre de la pièce, non loin du comptoir derrière lequel attendait patiemment un barman androïde qu’on vienne le solliciter, profitant du peu de temps libre qu’il avait pour réorganiser son plan de travail, se trouvait une table basse d’où sortait deux hologrammes représentant les deux combattants qui allaient bientôt s’écharper pour le plus grand plaisir d’une foule avide de violence.

Vex fut surpris de voir que Leith allait affronter Tyilgar mais avant qu’il n’ait pu se demander pourquoi on l’interpela depuis une des alcôves creusées dans les murs. L’un des gros-bras postés devant ladite alcôve lui fit signe d’approcher et l’androïde s’exécuta, le garde s’effaça pour le laisser rentrer et lui dévoiler la présence d’Akhad et de sa suite qui l’invita à s’asseoir d’un geste de la main.

« J’ai remarqué que t’avais pas de combat ce soir. » Commença-t-il avant de boire une gorgée d’un liquide transparent dans lequel flottait ce qui ressemblait à des paillettes d’or. « Que dirais-tu de te battre, c’est pour ça que t’es fait de toute façon, non ? »
« Contre qui? » Toujours debout, Vex regardait le criminel avec une certaine méfiance. Il fallait dire qu’Akhad avait le don pour trouver des combines qui avaient la fâcheuse tendance de se retourner contre vous.
« Contre Leith. » L’humain haussa les épaules et une demande de transfert de crédit apparu devant les yeux de l’androïde dont la somme était alléchante, il dû bien l’admettre. Ce fut d’ailleurs le montant qui le fit sourire.
« Et bah, qu’est-ce qu’il t’as fait pour que tu lui en veuilles à ce point ? »
« Il gagne trop. » Répondit Akhad avec une expression mauvaise sur le visage.
« Je vois. » Il se demandait combien est-ce qu’Akhad avait pu perdre en paris perdus et il aimait imaginer de grosses sommes. « Ok mais la demande ne sera jamais acceptée par les organisateurs. »
« Mais si, t’inquiète pas pour ça, t’auras qu’à leur présenter ta… carte de visite. » Se redressant, l’humain posa une carte préchargée sur la table en verre avant de la faire glisser de l’autre côté pour que Vex s’en empare. L’androïde accepta ensuite le transfert.
« Et pour Tyilgar? »
« Pas besoin de s’inquiéter, j’me suis déjà arrangé avec lui, ça le dérange pas. » La machine se demanda si Tyilgar n’y voyait réellement pas d’inconvénients ou si ça ne le dérangeait pas de garder ses genoux intacts mais dans tous les cas ça ne changeait rien à l’affaire. Il s’en alla mais avant qu’il ne soit complètement sortis il entendit une dernière fois la voix d’Akhad dans son dos. « Je comptes sur toi pour gagner. »

Vex ne répondit rien. Une fois l’arrangement avec les organisateurs passé, il n’eut pas longtemps à attendre avant d’entrer en scène. En posant les pieds dans l’arène ses capteurs auditifs réduisirent considérablement le vacarme produit par la foule, il préférait encore s’entendre penser. Marco, qui servait de présentateur pour cette belle soirée, présenta les deux combattants en ne tarissant pas d’éloges sur Leith, espérant peut-être égaliser un peu les cotes des paris qui semblaient ne pas favoriser l’humain, ce que l’androïde comprenait sans trop de difficulté ; si frapper dans de la chair pouvait faire mal, ça n’était pas grand-chose comparé à du métal et encore moins comparé à du blindage.

Pour seule réponse à sa question, Leith n’eut droit qu’à un hochement de tête avec des optiques brièvement vertes avant qu’elle ne passe au rouge et que Vex ne se mette à se dégourdir les bras. Ça n’était absolument pas nécessaire, une machine n’ayant pas besoin de s’échauffer, mais la foule appréciait le spectacle.

« Si je gagne je paye ma tournée. » Lança-t-il sur le ton de la plaisanterie en se mettant finalement en garde. Bien que ce n’était pas vraiment une blague, après tout c’était même la moindre des choses avec l’argent qu’il venait de se faire.

Une petite musique de jingle retentit et une voix transformée dans des hauts-parleurs nous invite à nous préparer pour le combat. Les animateurs nous présentent tour à tour avec une dose de volume exceptionnellement haut et d'excentricité qui n'appartient qu'à eux. Ça nous laisse le temps de discuter avec mon choom. Ses capteurs virent au vert après ma question et deviennent rouges l'instant d'après, en mode Terminator.

« Haha, me fait pas rire, c'est exactement ce que j'allais te dire. »

Je suis loin d'être vexé par son assurance et encore moins aussi pété de trouille qu'on puisse l'être face un bulldozer pareil. Sans rire, que je gagne ou que je perde, j'allais quand même lui proposer un verre, histoire de lui montrer qu'importe l'issue, je veux que ça reste coolos entre nous ; mais je vais pas dire non à une Tequila gratuite.

« Alors tu fais du combat d'avant programme maintenant ? »

Parce que je me demande malgré tout pourquoi je n'affronte pas Tyilgar comme c'était convenu. Il déclare forfait ? Non pas que ça ne me déplaît de l'affronter lui plus qu'un autre, mais je cherche à comprendre ce schmilblick.  

Putain, je n'ai pas énormément d'options qui s'offrent à moi. Ça me servira à rien de partir pessimisme, il me faut un plan béton pour renverser cette carcasse et empocher ce qu'on me doit. Vex est une machine, littéralement comme figurativement. Des phalanges qui s'écrasent contre une ossature en métal me fera le même effet que de frapper un mur de plein fouet. Je n'ai pas vraiment le temps de réfléchir, déjà à cause des stimuli extérieurs et parce que le compte à rebours du début du combat va débuter d'un moment à l'autre. Pourtant, je ne dois rien laisser au hasard dans ce type de configuration. Raah, ce n'était pas censé arriver avant quelques tours ce genre de connerie.

Je tente de trouver rapidement un écho parmi mes expériences de combat vécues pour donner le coup d'envoi. Si je veux atteindre mon objectif, je vais devoir y aller par étapes et je dois rester concentré si je ne veux pas en griller une. On ne se dissipe pas, chaque chose vient en temps voulu, l’important est d’être rigoureux. Je n'ai pas forcément de méthode pour établir de nouvelles connexions à partir de données que je n'ai pas.

Je relève un instant les yeux sur le compte à rebours et alourdis mon corps sur mes cuisses. Le gong retentit et je commence des mouvements rapides autour de lui pour gagner du temps. Je récupère des informations autour de moi, mais cette arène et la même que j'ai toujours connue. Ronde avec des parois lisses pour dissuader des tentatives de fuites. Afin de divertir les spectateurs, il arrive aux organisateurs d'ajouter de nouveaux éléments lors de soirées à thèmes environ une fois dans le mois, et à l'heure actuelle, elle est toujours lisse et immaculée.

Il doit bien avoir des points faibles, un truc spécifique aux machines. Bon, il ne se nourrit pas encore à l'essence et il n'a pas besoin d'être rechargé. À moins que ? Il dort peut-être pas comme nous autres, les consciences de chair, mais faut bien qu'il charge ses batteries un moment ou un autre. C'est maigre, mais c'est mon seul espoir parce que le piratage, ce n'est pas trop mon truc et je doute qu'on trouve des Runners assez qualifiés pour avoir accès à sa boîte crânienne, puis surtout, c'est interdit... Putain, fais chier ! Si je veux l'épuiser va falloir que j'évite de trop compter sur ma propre condition, je serais mort avant lui.

Faut que je trouve le bon angle d'attaque, il doit bien avoir une zone sans visibilité dans laquelle je pourrais me faufiler pour distribuer des coups sans en recevoir d'autres. Mon champ d'action est assez limité et la place bien trop petite pour me donner la possibilité de juste courir en cercle sans me faire éclater la gueule. Alors il me reste une autre possibilité : l'épuiser sans m'épuiser moi.  

Je cours encore un peu, de sorte à le rapprocher au plus près des bords avant de bondir sur l'une des parois me permettant de me propulser pour atteindre directement sa tête. Je ne loupe pas mon saut et une fois en haut, je m'accroche en m'équilibrant rapidement. De suite, je croise mes jambes autour de lui et serre de toutes mes forces, contractant mes muscles au maximum.

Qui aurait cru que l'endroit où je serai le plus en sécurité soit sur mon adversaire lui-même ?

Ma stratégie est lâche : mais c'est tout ce que j'ai.

Un sourire apparaît sur son casque, Vex s’y était attendu et c’était bien pour ça qu’il avait proposé sa tournée en premier. De toute façon il ne doutait pas que Leith aurait l’occasion de payer la sienne, que ce soit ce soir ou non. Mais la ligne qui formait son sourire s’égalisa, ne devenant qu’une ligne neutre. L’androïde aurait aimé pouvoir dire la vérité mais le faire en public ç’aurait été se mettre Akhad a dos et même s’il n’en avait pas vraiment peur, il avait sans doute déjà assez d’ennemis pour ne pas en rajouter un qui était en mesure de faire quelque chose contre lui.

« Je m’ennuyais et ton nom est passé alors j’en ai profité. »

Ses épaules se haussèrent mécaniquement avant de retomber et puis le compte à rebours commença. Un compte à rebours qui ressemblait davantage au ressac lointain de la mer grâce à la réduction sonore que s’était offert Vex et en l’occurrence il ne le regrettait pas. Pendant que Leith tentait de gagner du temps, la machine quant à elle cherchait dans ses banques de données internes quel serait l’ouverture la plus probable de l’humain. S’il n’avait pas les enregistrements de tous les combats de son adversaire il en avait suffisamment pour se faire une bonne idée de ce qui l’attendait. Les cris atténués de la foule le sortirent de ses calculs, il semblait que la majorité ne semblait pas se contenter de voir l’un des deux simplement tourner autour de l’autre tandis que le second ne faisait rien. Il pouvait comprendre, ça n’était pas vraiment le spectacle de nature à faire chavirer les cœurs et tandis qu’une partie de son esprit était concentrée sur les vidéos et que l’autre portait son attention sur le public, il perdit de vue son adversaire. Si Vex n’était pas capable de sentir des fourmillements au creux de ses paumes car il n’avait pas l’instinct des organiques, il lui sembla tout de même que quelque chose n’allait pas.

Il comprit bien vite quoi lorsque Leith lui sauta dessus et ferma ses jambes autour de sa gorge. D’une pensée agacée il renvoya les messages d’alarme qui occupait une partie de son champ de vision de là où ils venaient. Il ne savait pas si la tentative de l’humain tenait de la folie ou du génie mais dans tous les cas elle le mettait dans une situation assez inconfortable. De la même façon qu’il se demandait si Leith fut au courant d’une de ses faiblesses que bien peu soupçonnaient et ce pour une raison très simple : qui serait assez con pour essayer d’étrangler un robot ? Après tout ils ne respirent pas alors à quoi bon ? Et pourtant c’était bien là l’une des faiblesses de Vex, non pas que le manque d’oxygène lui était dommageable, loin de là, mais en serrant suffisamment fort sa gorge, on pouvait stopper le flux de liquide de refroidissement qui remontait jusqu’à son unité centrale localisée dans sa tête et si la plaisanterie durait trop longtemps, la faire surchauffer. Ceci dit, c’était en supposant que Leith maintiendrait coûte que coûte sa prise et ce peu importait si la température devenait insoutenable. Pour le moment, l’androïde cherchait à se débarrasser de son passager mais il n’avait pas envie de frapper à l’aveugle de peur que son coup se retourne contre lui mais alors que les degrés commençaient à monter dans son crâne, Vex se rendit compte qu’il fallait agir et vite.

« Désolé mais tu me laisses pas le choix. » Croassa-t-il bien que la pression ne changeait rien à son modulateur vocal, la modification de sa voix venait surtout d’une habitude pour paraître plus humain et moins mettre mal à l’aise les organiques.

Les bras de l’androïde attrapèrent les jambes aux muscles contractés de Leith et il serra à son tour, non pas pour blesser ou même faire mal mais pour qu’elles restent en place. Et puis Il sauta sur le côté. Alors certes il aurait pu se lancer en arrière mais le but n’était pas de tuer son pote, ce qui était un danger plus que réel en écrasant ce dernier sous près de deux quintaux d’acier. Vex comptait sur le fait que le choc serait suffisant pour lui faire abandonner sa prise et l’y faire repenser à deux fois avant de lui resauter dessus.

Il a beau s'agiter comme un beau diable, je ne lâche pas mon emprise et résiste à la plupart des turbulences qu'il impose en se mouvant dans tous les sens. Ma colonne est assez résistante pour subir la pression qu'il met dans ses mouvements, et même si je peux presque sentir ma cervelle sauter à l'intérieur de mon encéphale, j'en reste pas moins concentrer sur ma prise. La foule rugit et accompagne en balancier le moindre de nos mouvements ; si ce n'est pas lui qui va me faire sauter le crâne avant la fin de la soirée, ce seront eux les responsables de mon mal de tête.

Ouah putain, c'est quoi cette chaleur ? On dirait qu'il est en train de surchauffer. Ses radiateurs semblent être défaillants à moins qu'il ne provoque lui-même la panne, je commence déjà à en sentir les premiers effets sur mes cuisses. S'il fonctionne comme une voiture en manque de liquide de refroidissement, la montée de température sera progressive. Selon les conditions climatiques actuelles, à savoir environ 20° dans l'arène, il me faudra vingt minutes avant d'être partiellement ébouillanté, ce qui m'en laisse la moitié pour éviter d'avoir des séquelles irréversibles. Merde, il a quoi sous le capot pour que ça dégénère comme ça ? Son système se vérole sérieusement parce que je commence déjà à entrevoir des nappes de fumées s'échapper des opercules d'aération.

Bordel mais qu'est-ce qu'il fout ? Je le tiens encore qu'il plaque ses mains sur mes jambes et m'empêche de bouger ; je ne comprends pas sa stratégie et il m'a eu à l'imprévisibilité puisque je sens mon corps partir sur le côté sans pouvoir m'extirper de sa prise. L'entrée en contact avec le sol se fait de manière brutale et l'ébranlement qui en résulte me coupe formellement le souffle.

« Hmprff. »

Eh bah, il n'y va pas de main morte en tout cas. Il a fait ce qui avait de mieux à faire dans ce genre de cas et honnêtement, je redoutais ce moment, mais c'était la seule option qu'il avait. Je garde en tête le fait que Vex aurait tout aussi pu choisir de m'écraser par l'arrière, dans quel cas, j'aurai eu le cou brisé par deux tonnes de fonte. Le détail apporté à son mouvement est surprenant, il était dans ses droits de me buter, et pourtant, non, il me laisse en vie. Son acte prouve à tous ses connards dans le public que les androïdes ne sont pas que des machines à tuer privé de bons sentiments. J'sais que mon pote ne me tuerait pas sans raison de le faire, mais pour la foule, sa cruauté à péter en même temps que les terminaisons reliées à son casque, alors ça le rend peut-être plus sympathique à leurs yeux ; à moins que ça ne le rende plus faible.

« J'ai l'impression que tu es en train de te ramollir, mon vieux. »

Je reste cramponné à son casque malgré la température qui frôle maintenant la douche brûlante. Va falloir qu'il me décolle lui-même parce que pour le moment, je ne bouge pas. Pour autant, je veux pas seulement me recroqueviller par terre et attendre que ça passe. Je manque sérieusement de temps et mon instinct de survie essaye de me décoincer la jambe que je commence à ne plus sentir sous son poids. Si je bouge de trop, je pourrai me déplacer un muscle ou même pire, un os.

Je commence à perdre la raison et tout ce que je fais maintenant pour me dégager de cette grosse carcasse de métal, c'est de lui taper sur la visière de son casque encore et encore, jusqu'à la fissurer. Il a qu'à me brûler, je m'en fous, il a qu'à me broyer les os, je m'en branle ; c'est moi qui gagnerais, car il n'y a pas pire place qu'être deuxième.

Gagner la deuxième place, c'est être le premier perdant.

Un peu de liquide de refroidissement pu passer lorsque le choc força Leith à relaxer ses muscles, sans oxygène il est difficile de continuer à forcer alors il y eut une petite fenêtre qui permit à Vex de souffler. Enfin façon de parler, sans poumon on ne souffle pas des masses. Mais contrairement à ce qu’avait espérer l’androïde la prise de son pote reprit rapidement de sa force et si son unité centrale avait pu baisser d’une poignée de degrés, la température qui s’affichait devant lui montait graduellement. D’ailleurs plus vite il tentait de trouver une solution et plus vite la température montait alors qu’il fermait les messages d’alertes les uns après les autres.

La remarque de Leith le fit rire, ce qui en surprit certains dans les gradins qui ne s’attendaient pas à ce qu’on puisse rire, ou parler, avec une clé de jambe qui vous ceignait la gorge, mais quand on a juste besoin d’un haut-parleur pour ça c’est quand même plus simple.

« T’aurais préféré que je te ramollisse ? »

Faire de l’humain une purée sanglante aurait été possible bien que regrettable et c’était bien l’une des raisons pour lesquelles les androïdes de combat n’affrontait au minimum que des organiques très lourdement augmentés, des cyborgs qui avaient plus d’acier que de chair ; de la même façon qu’on ne faisait pas des courses où s’affrontaient des coureurs à pied et des pilotes. Toutefois Vex s’agaça que son camarade n’ait pas compris le message et changea d’approche. Il avait essayé d’être sympathique, ça n’avait pas fonctionné, et bien tant pis. Lorsqu’il chercha la partie la plus faible de ce qu’il pouvait frapper qui était susceptible de le libérer, les genoux furent la première solution. Et quelle solution ! Après tout ils étaient facilement atteignables et puis la faiblesse de tout corps, de l’enfant au char d’assaut, était naturellement ses articulations.

« Ok j’admets que t’es coriace mais faut que t’arrêtes avant que je te fasses vraiment mal. » Un compteur à rebours s’afficha au centre de son champ de vision. « 1… 2… 3. »


Sa voix avait perdu toute émotion, toute humanité, qu’elle sorte de celui qui luttait depuis des années pour qu’on reconnaisse aux androïdes leur humanité ou de la plus simple des machines, n’importe qui aurait été bien en peine de le dire. Lorsqu’e le compte à rebours arriva à sa fin, comme Vex s’en était douté, l’humain n’était pas prêt à abandonner. L’inverse aurait été d’ailleurs décevant, autant pour lui que pour le public, de plus ça l’aurait sans doute fait perdre un combat bien avant d’arriver là. Alors l’androïde lâcha son adversaire. Après tout maintenant qu’il était au sol, à moitié bloqué sous le poids de son corps métallique, il ne pouvait que difficilement bouger et s’en aller sans que Vex ait son mot à dire.

Après avoir formé un poing il le leva et l’abattit sur sa cible avant de recommencer et de le faire pour une troisième fois jusqu’à entendre claquer, ou craquer, il ne savait pas ce qui avait cédé en premier, les fragiles os, à moins que ce soit les ligaments et les tendons.

Je ne réponds pas à sa menace ; j'avais juste envie de lui faire la remarque pour qu'il donne plus de pep's au combat. Il n'a pas le droit à l'erreur et moi non plus. Ce n'est pas raisonnable de combattre contre une machine augmentée, et c'est bien plus que le fric qui m'a motivé à accepter ce défi perdu d'avance. La pensée positive ne fait pas toujours le poids, surtout face à un tel mastodonte. Merde à quoi je m'attendais sérieusement ? Je ne suis pas vraiment en colère contre moi parce que ça ne m'avancera à rien, mais plutôt déçu de savoir que ce combat n'aura manifestement pas fait long feu. Le sens du réalisme dont je fais habituellement preuve s'est écroulé à cause de mon ambition démesurée et il me reste tout juste de quoi m'en sortir avec un semblant de dignité.

J'entends bien que mon pote, là, il n'a plus sa voix d'une neutralité sympathique, signe évident que son esprit combattif l'emporte sur le lien intangible qui nous lie. Dans un sens, il n'a pas tort ; on ne va pas loin dans ce genre de combat sans un peu de confiance en soi. Une approche plus sportive semble de rigueur et j'avise une technique pour me dépêtrer de sa taule -autant que ma clé de jambe- embarrassant mes autres mouvements. Je sens un manque de calibrage dans sa poigne contre ma cheville, le genre d'ouverture dans laquelle je pourrais passer mon pied d'un coup. Le hic réside dans le détail de l'évasure qui est si étroite que je dois me déboîter la cheville pour la laisser glisser et je devrais être habile pour la remettre en l'état avant qu'il ne contre-attaque.

Ma méthode qui me semble assurément risquée et si j'y pense un moment, j'ai sous-estimé ses capacités qu'il n'hésite pas à me rappeler.

« Ça veut dire quoi ? »

Que je proteste, à la fois curieux et méfiant, détourner de mon plan. Son intervention ne me refroidit pas pour autant et je continue à lui mettre la pression jusqu'à ce qu'il craque. La musique bat son plein et c'est encore pire lorsqu'on est au tapis. Sous mon bide, je peux sentir toutes les vibrations acoustiques émanant des enceintes autour de nous. Vex finit par me lâcher, et je ne bouge pas d'un iota, concentré par sa future solution.

Et là, gratuitement, je me ramasse des hitboxes carrément douloureuses. Si je retiens mes plaintes qu'à moitié, je suis bien obligé de lâcher son cou pour tenter de sauver mes genoux. J'intériorise la douleur en serrant les dents ; mon corps n'est absolument pas adapté à cette pratique. Il aura fallu attendre que je me ramasse deux quintaux d'acier sur les muscles pour m'en rendre réellement compte. À mon tour, j'envoie un coup-de-poing chargé sur sa visière et si je vois bien que ma première tentative l'a à peine fait broncher, je l'attaque principalement dans le but de lui briser la vision pour me donner une chance de m'échapper.

Le souffle revient avec parcimonie dans mes poumons ; c'est que je n'ai pas d'amortisseurs pour assouplir les chocs moi. Tout ce qui me reste à faire à présent, c'est, au hasard, de me provoquer un coup de chance en donnant d'autres coups -plus vifs- présumant qu'il se soit certainement fait changer une pièce quelconque qui me donnerait un avantage, puisque ce genre de manœuvre met du temps avant d'être complètement installé au système. Dommage que mon coach n'ait pas put me briefer avant la rixe, il aurait pu me donner plus de préparation qu'actuellement.

Vex m'a damé le pion et c'est soit j'abdique raisonnablement, soit mon corps amorphe finira à la décharge parce que je n'aurai pas eu les moyens de me payer des soins médicaux si je finis infirme, pendant que des charognards viendront m'arracher le peu d'implant que j'ai accepté de me greffer au corps. Et dans le meilleur des cas, plus aucun intermédiaire ne voudra d'un merc cassé.

« C'est bon, j'abandonne. »

Je fais un signe aux organisateurs, le seul que les consignes acceptent pour mettre fin à un combat. Y a très peu de règles dans ce genre de compétition illicite ; on peut entrer en vie et ne jamais en sortir. C'est encore une fois, selon le gré de motivation des participants ou des propriétaires si on parle de machines de combat ou de tout autre être vivant qui n'a pas de libre-arbitre.

Cependant, il existe un signal qu'on exécute pour signifier notre volonté d'arrêter, faisant gagner l'autre forfait. C'est de loin la situation la moins glorieuse car généralement, les perdants sont assommés au sol et le gagnant à un pouvoir de vie ou de mort sur son adversaire. Ça donne du spectacle et nombreux sont les vainqueurs qui consultent le public pour leur donner l'impression de participer à un véritable échange, plutôt que de juste se polir les couilles sur leurs applaudissement ; c'est une sorte de rituel tacite de remerciements j'imagine.

Je sais que Vex m'aurait laissé la vie sauve, mais je préfère arrêter maintenant.
Mon tour est fini, je ne pense pas que je survivrais à une autre raclée pour ce soir.

S’il ne fut pas un androïde, Vex aurait soupiré de soulagement en sentant le liquide de refroidissement se remettre à circuler ; s’il eut été un sac de viande il n’aurait pas eu ce problème pour commencer mais bon c’était un autre débat. Il se permit alors de ralentir son réacteur, de le calmer pour réduire sa production d’énergie et ainsi augmenter la vitesse à laquelle son crâne allait refroidir mais au coût de tout le reste. Il aurait peut-être pu arrêter le coup de poing de Leith autrement, après tout le sien de poing était déjà en l’air, prêt à frapper, mais ses calculs avaient considérablement ralenti, et avec eux, ses temps de réactions. Alors il relança complétement ledit réacteur lorsque la fissure de son casque s’élargit, se disant que si le combat tournait pas trop mal il n’en était pas terminé pour autant.

Evidemment le casque était brisé en plein milieu de son champ de vision, sinon ça n’aurait pas été drôle, la fissure fragmentait ce qu’il voyait, ne laissant que sa vision périphérique qui n’était pas altérée. Il aurait bien rouspété, lancé une réflexion à son adversaire sur l’injustice de s’attaquer aux yeux mais c’était un peu sa faute. Déjà parce qu’il avait été suffisamment confiant, trop même au vu du résultat, pour ne pas prendre un casque blindé, et surtout parce qu’il n’aurait pas dû affronter Leith ce soir. Le casque serait cher à remplacer, car il doutait sincèrement qu’il soit réparable, mais c’était de bonne guerre. Toutefois les coups portés sur son casque lui disait que tout ce que Vex avait pu faire jusqu’à présent ne semblaient pas suffisant pour le pousser à abandonner.

L’androïde s’éloigna un peu de Leith pour se relever, prêt à sauter pour frapper. Il se mit alors de profil pour voir son adversaire malgré la fissure centrale et se dit que plutôt qu’un coup direct il ferait peut-être mieux de frapper à côté de sa tête, de son oreille, dans le sol, dans l’espoir d’endommager le sens de l’équilibre. S’il ne pouvait pas bouger il n’aurait pas le choix. Toutefois ce ne fut pas nécessaire. Son abandon rassura Vex qui n’avait pas envie de continuer. La foule se mit à applaudir, à exulter mais l’androïde ne célébra pas sa victoire en exitant ladite foule, c’eut été humiliant ; davantage pour lui que pour Leith après tout ce dernier ne savait pas à qu’il était passé à deux doigts de gagner contre une machine de combat qui avait été créée pour ça. Alors se complaire dans une victoire qu’il n’aurait pas dû obtenir de si peu était de mauvais goût.

A la place il s’approcha de l’humain pour l’aider à se relever. L’idée de lui prendre la main pour la lever afin de l’annoncer comme vainqueur, une façon comme une autre de cracher au visage d’Akhad, le tentait beaucoup, mais malheureusement c’était trop dangereux. Alors il le maintint debout el le tenant par l’épaule, il ne savait pas si son genou lui permettait de le faire tout seul, et puis ça lui permettait d’un peu profiter de la victoire de Vex.

Ensuite ce dernier l’accompagna jusqu’au bar de l’arène.

« Comme je te l’ai dit : choisit ce que tu veux, c’est moi qui offre. Y compris le medi-pack. » Il fit signe au barman d’aller en chercher un en attendant que Leith ne décide ce qu’il aimerait boire.

Le brouhaha signifiant la glorieuse ascension de mon adversaire siffle dans mes oreilles et les contours des choses autour de moi tanguent légèrement ; j'ai l'impression de mettre mis une mine avant d'avoir réellement l'occasion de le faire. Je me sens légèrement barbouillé et la confusion apparente me donne un train de retard pour accepter la main qu'il me tend. J'attrape son poignet et me laisse hisser sur mes jambes, la coordination de mon corps se faisant la malle avec mon genou sacrément amoché. Y a au moins plusieurs articulations qui sont touchées. Alors que j'ai la sensation que je vais tomber en arrière, je sens la taule froide de Vex contre mon dos, manifestement en train d'être ma béquille.

Les présentateurs concrétisent sa victoire fulgurante tandis que j'aperçois mon coach dans les gradins, le visage frappé par la stupeur. J'suis pas d'humeur à répondre à son sms là tout de suite. Vex ne tarde pas avec son public et se met en marche en suivant mon rythme. Chaque mouvement du tibia vers l’extérieur provoque une putain de douleur. Elle limite bien trop les mouvements du genou et je dois prendre plusieurs pauses avant de réunir mon derche avec le tabouret haut du bar de l'arène.

« Hmh merci. »

Ce n'est pas le genre de truc à me dire deux fois, je ne mets pas longtemps à me décider parce que je prends toujours la même chose dans ce genre d'endroit. C'est ma consolation premios, le genre de truc qui ne me fait pas encore me sentir complètement perdu.

« Tequila pour moi. »

Je remarque que mon genou à de tripler en volume, c'est local et ça vire déjà au bleu. Je grimace en gigotant le moins possible, attendant mon médik-pack en essayant de ne pas me focaliser sur ma douleur. Je n'arrive pas à me remettre les idées en place après ce qui s'est passé, j'ai l'habitude de remonter toute suite vers le ring, mais cette fois-ci, c'est différent : moi je n'ai aucune extension cybernétique derrière lesquels me cacher. Je me bats avec mes poings, ma constitution physique et c'est tout ; j'ai besoin de rien d'autre.

Ma boisson arrive entre mes mains et on me distribue mon pack que je m'empresse d'activer contre mon articulation. De suite, je sens les petites aiguilles qui s'imbriquent avec ma peau et commencent leur travail. La ponction articulaire du traitement s'intègre peu à peu, aspirant l'excédent de sang et envoyant des jets d'air froid pour atténuer la douleur. Je reprends mes esprits et retrouve mes fonctions neuronales, la formule de patch proposé par l'établissement étant forcément efficace due à la forte demande que génère ce genre d'endroit.

« Bon alors Vex, par rapport à tout à l'heure. »

J'ai toujours besoin de recevoir une explication, ne pouvant me satisfaire de ce qui n'est pas concrètement sorti. Ces précédentes justifications m'ont laissé sur ma faim et j'ai besoin d'y voir plus clair, ma curiosité bien trop insatiable.

« Pourquoi c'est toi que j'ai affronté ? Je dois t'avouer que je ne crois pas trop à ton histoire. »

Ma voix enraillée habituelle donne l'air de faire subir un véritable interrogatoire, les enjeux qui me concernent probablement activent fatalement mon instinct de survie. Je ne demande pas à ce qu'il me déballe toute sa vie personnelle, mais je veux au moins m'assurer ne pas avoir un contrat sur ma tête, car s'il y a bien un truc que l'Underground m'a appris, c'est qu'on peut être quelqu'un aujourd'hui et devenir une énorme merde demain.

Il sembla que le barman n’eut pas vraiment besoin de la réponse de Leith alors qu’il attrapait un médi-pack d’une main et une bouteille de l’autre. Il fallait dire que l’un des, nombreux, avantages à être un androïde c’était qu’on pouvait en registrer les goûts de ses clients et les ressortir quand on les voyait approcher du bar. Alors lorsque c’était un habitué qui venait, il y avait peu de mystère quant à ses goûts. Quant à l’autre androïde, celui qui venait de se battre, il s’assit, bien qu’il n’en avait pas besoin, après tout, être debout ou non ne changeait pas grand-chose, il n’avait pas de muscles fatigués qui avaient besoin de se reposer en s’asseyant. Toutefois, imiter les humains était souvent une bonne idée pour se fondre dans la masse. D’un œil distrait tandis qu’il commandait, Vex regardait le médi-pack en se demandant ce que ça pouvait faire, ce qu’on ressentait en l’appliquait. Du soulagement ? De la douleur ? Peut-être une pointe de peur. Mais il ne posa pas la question. On posa un verre de strongara devant lui. C’était ce qu’il prenait toujours après un combat et il en prenait deux lorsqu’il perdait. La boisson qui tutoyait les soixante degrés avait un goût sucré et doux qui donnait à la force du breuvage un côté surprenant. Mais s’il s’agissait de sa boisson préférée c’était plus par nostalgie qu’autre chose : faite à partir d’un gros fruit rouge et jaune natif des jungles disparues d’HK-01 dont le goût fut préservé en le synthétisant ; c’était la boisson que lui et ses camarades, humains comme mécaniques, buvaient après une longue garde passée à repousser les monstres qui hantaient lesdites jungles. La forte quantité d’alcool était également idéal pour lever un verre à la mémoire de ceux qui s’étaient sacrifiés pour assurer la sécurité de la colonie et des autres colons. Lorsqu’il observait le liquide clair il voyait une poignée de noms flotter tandis que d’autres remontaient à la surface en même temps que les bulles.

Des bulles qu’il abandonna bien vite alors que son camarade le sortait de ses pensées. Il tourna la tête vers lui et pendant que Leith poursuivit, Vex retira son casque. De toute façon il ne lui servait pas à grand-chose, cassé comme il était, révélant à la lumière colorée ambiante des cheveux roux coupés courts et des yeux verts. Un sourire, cette fois un vrai, apparu sur ses lèvres à la remarque de l’humain.


« Tu ne crois pas que j’avais juste envie de t’en mettre une ? » Ce qui n’était pas arrivé en fin de compte mais là n’était pas la question. Toujours de profil, il tourna la tête pour lancer un coup d’œil à l’alcôve où il avait discuté avec Akhad et un rapide changement de vision pour entrevoir les sources de chaleur lui assura qu’il y avait encore des occupants même s’il y avait une personne de moins que quand il s’y était trouvé. « Pourtant c’est le cas. Tu sais, l’ennui ça pousse à faire des conneries. »

Il trempa un doigt dans son verre et dessina un cercle qu’il barra avant d’écrire « ici » avec le liquide qui avait collé à son index. Il ne savait pas s’il était écouté ou même vu et dans le doute il préférait ne pas prendre le risque. Après tout s’il était capable de lancer un coup d’œil dans sa direction, l’inverse était sans doute possible. Quant aux oreilles qui trainaient, il fallait mieux agir comme s’il y en avait vu que c’était très probablement le cas de toute façon.

« J’avais rien à faire de cette soirée et t’étais libre, qui sait, p’tètre que Tyilgar a eu peur de toi, du coup j’ai sauté sur l’occasion. » Il fallait dire qu’au final ce fut Leith qui lui avait sauté dessus mais ça relevait du détail. Il leva ensuite son verre. « A ta santé. »