YOU’RE GONNA GET SICK, YOU DON’T KNOW WHEN
@Pélagie — ♫ 4ÆM ♪


Un long sourire, fin, matois, se dessinait sur son visage pâle dès qu’un client croisait son regard. Chaque fois, ses oreilles félines se dressaient lentement, sans qu’aucune surprise ou hâte ne vienne déroger à la grâce des traits affables de Devine. Ses yeux mâtins se plissaient alors légèrement, en même temps que ses lèvres s’étiraient. Ce n’était qu’un fugace instant, quelques secondes tout au plus qui cadançaient inlassablement les journées du déviant lorsqu’il était en salle. Il ne faisait plus vraiment attention aux animaux derrière les vitrines translucides rythmées par les portes arquées. La queue félidée de l’hôte se balançait à l’allure de ses pas tandis qu’il traversait l’immense pièce. Les lumières aseptisées rendaient sa peau plus laiteuse, laissant apercevoir quelques égratignures négligées sous sa poitrine et un bleu entre ses clavicules. Si ses bras et jambes étaient recouverts d’un tissu opaque moulant, presque l’intégralité de son torse était visible. Ses vêtements couvraient son dos, ses flancs et ses épaules d’une sorte de latex blanc lui collant à la peau. Un bandeau bleu givre d’une autre matière recouvrait ses pectoraux, une fente en son centre et sur lequel se joignaient de belles lanières sophistiquées à un col américain recouvrant l’entièreté de son cou. Heureusement pour lui vu les marques que ce dernier avait gardé.
Devine pivota silencieusement sur ses talons. Il traversa le lieu dans l’autre sens aussi tranquillement qu’à l’aller. On l’arrêta devant l’une des cages ; le déviant répondu poliment, avec une voix mielleuse. Son appendice dorsal s’était dodeliné avec un peu plus d’enthousiasme, témoin de son amusement secret face à ces jeux frivoles. Le jeune homme sortit avec le client pour rejoindre une autre pièce, presque aussi spacieuse que la précédente, jusqu’à un comptoir. Apercevant soudain l’heure sur la montre d’une collègue à qui il laissa le visiteur, le front du chat devint livide. Abandonnant la légèreté qui avait accompagné le moindre de ses mouvements jusqu’ici, Devine se hâta de dépasser les tables et chaises disposées ça et là pour passer une porte sur laquelle il était marqué « privé ». À l’abri des regards, il accéléra encore un peu plus. Les lumières pastelles et tamisées étaient ici devenues des plafonniers aveuglants répétés sur les caissons et plafonds. Suivant un pointillé jaune tout d’abord, prenant un virage ensuite, après avoir parcouru le long couloir aux coulures boisées, Devine arriva enfin à sa destination. Levant son poing pour toquer, il hésita un instant en voyant sa main trembler. Il inspira, expira, puis frappa l’huis. S’engageant dans une nouvelle salle, le déviant n’osa pas lever les yeux. Il préféra regarder ses pieds.

« M-Madame. »

Absorbé dans la spirale ennuyeuse qu’il aimait tant, le chat avait totalement oublié de revenir voir sa patronne. À dire vrai, à moins qu’elle ne lui donne un horaire précis, il ne savait jamais vraiment à quel moment retourner à ses côtés : il avait l’impression qu’une minute comme une heure ne changeait jamais la finalité. Cependant, cette fois-ci, l’heure avait été triplée.

« Vous avez besoin de quelque chose ? » demanda-t-il en contemplant toujours le sol.

Sa queue était inerte et ses oreilles légèrement baissées en arrière. Pas de jeu ni de comédie ici. Ses lèvres se crispaient et ses entrailles se tordaient. Il devait se retenir de sourire face à cette situation de stress qui lui plaisait parfaitement.